Entrée par : Marc, Technicien des communications
Horodatage : Cycle 3.7, heure 11:20 (estimation)
J’ai réussi ! J’ai enfin réussi ! Après des heures à tâtonner dans le noir, à désosser trois terminaux de maintenance muraux et à cannibaliser leurs batteries internes, j’ai créé un monstre. Un Frankenstein de batteries au lithium-ion, relié par des câbles que j’ai dû dénuder avec les dents. C’est moche, c’est instable, et la tension fluctue dangereusement, mais ça marche ! J’ai réussi à alimenter la console d’archives de Bertrand.
Le silence radio est total, bien sûr. Le réseau principal est un fantôme. Mais ce n’est pas grave. L’important, c’est qu’on a un accès local. On peut consulter les schémas de la Citadelle, les journaux de maintenance, les rapports de construction… On n’est plus complètement aveugles. C’est une petite victoire, une minuscule étincelle dans une nuit d’encre, mais c’est à nous. Eloise a déjà les yeux rivés sur l’écran, le visage illuminé par la lueur bleutée des plans. L’espoir a de nouveau un goût, et il a le goût du cuivre et de l’ozone.
Entrée par : Eloise, Ingénieure en chef
Horodatage : Cycle 3.7, heure 14:00 (estimation)
L’exploit de Marc a changé la donne. Nous avons passé deux heures à analyser les schémas structurels des sub-niveaux. Ma crainte initiale est confirmée : les puits de service principaux et les cages d’ascenseur sont indiqués avec de multiples alertes de stress structurel et de risque d’inondation. Y aller serait du suicide. C’est une impasse.
Mais j’ai trouvé une alternative. Une voie oubliée. Les plans originaux de la Citadelle montrent un réseau de conduits de ventilation géothermique. Ils ont été construits pour la première phase du projet, avant que le système de recyclage de l’air principal ne soit pleinement opérationnel. Ils sont étroits, probablement poussiéreux et non entretenus depuis des décennies, mais ils traversent les niveaux verticalement. Selon les schémas, un accès de maintenance se trouve à une centaine de mètres de notre position, derrière une paroi de service. C’est notre seule et unique voie de sortie. L’objectif est clair : atteindre le sub-niveau 4, où se trouve le relais de communication d’urgence. Le chemin sera difficile, mais pour la première fois depuis la panne, nous avons un plan.
Entrée par : Harmony, Biologiste médicale
Horodatage : Cycle 3.7, heure 18:30 (estimation)
L’euphorie qui a suivi la réussite de Marc est de courte durée. La réalité de notre environnement nous rattrape vite. Nous avons établi un petit campement dans une salle de stockage, un peu moins humide que le couloir. J’ai fait un inventaire strict de nos rations. Nous avons assez de barres nutritives et d’eau purifiée pour tenir 6 jours, à condition d’être extrêmement disciplinés. J’ai distribué la première ration ce soir. Le silence pendant que nous mangions nos minuscules portions en disait long. Chaque bouchée est comptée.
Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’air. Il est lourd, saturé d’humidité, et il y a une légère odeur métallique qui n’était pas là hier. Les systèmes de ventilation étant à l’arrêt, le dioxyde de carbone que nous expirons commence à s’accumuler. Pour l’instant, les niveaux sont acceptables, mais c’est un compte à rebours silencieux. Le plan d’Eloise est notre seul espoir, mais en nous aventurant dans ces vieux conduits, nous ne savons pas à quelle atmosphère nous serons confrontés. J’ai préparé des filtres respiratoires d’urgence, au cas où.
Entrée par : Bertrand, Archiviste planétaire
Horodatage : Cycle 3.7, heure 21:00 (estimation)
Aujourd’hui, j’ai vu l’espoir renaître sur le visage de mes compagnons. L’écran bleuté de ma console d’archives, ravivé par le génie de Marc, était comme une bougie dans une immense cathédrale sombre. Il ne chasse pas toutes les ténèbres, mais il nous permet de voir les murs de notre prison et, peut-être, d’y déceler une fissure.
Je me souviens d’avoir lu des notes sur ces conduits géothermiques. Ils étaient considérés comme une merveille d’ingénierie à l’époque, directement forés dans la roche de Xylos pour utiliser la chaleur de la planète. Ils ont été rendus obsolètes par une technologie plus efficace et abandonnés, mais jamais condamnés. Des artères oubliées dans le corps de la Citadelle. En les empruntant, nous n’allons pas seulement traverser des niveaux de béton, mais aussi des strates d’histoire. Nous allons marcher dans les pas des pionniers. J’ai le sentiment étrange et troublant que la clé de notre survie ne se trouve pas dans la modernité de ce lieu, mais dans ses fondations les plus anciennes.